NOS ILLUSTRES ANCIENS
LE
GÉNÉRAL ROLLET
UN HOMME DE COEUR, DE CARACTÈRE ET D'IDÉAL
Ainsi aurait pu se terminer la vie active tout entière consacrée à servir, du Général Rollet. Mais la mise à la retraite ne pouvait rendre inactif ce baroudeur insatiable. Revenu à Paris, avec une force de caractère jamais démentie depuis quarante ans, il ne s'accommode pas d'une situation sans structure, sans définition, sans idéal. Puisqu'il a maintenant du temps bien à lui, il va pouvoir l'utiliser à s'occuper des hommes. Il renoue, raffermit les contacts, redonnant un tonus nouveau aux associations d'anciens légionnaires, apportant ici son arbitrage, là, la solution de problèmes financiers, partout ses conseils et le poids de sa notoriété. Bien sûr, il est arrivé parce qu'il accordait sa confiance à tous ceux qui prétendaient travailler aux œuvres légionnaires, que cette confiance fut abusée. Ce n'était au fond pour lui que prétexte à une cinglante mise au point pour écarter les indignités. Son cœur, resté pur et résolument optimiste, pouvait être blessé, mais l'important restait de croire à l'utilité de son action.
Innombrables furent les solliciteurs, au cours des trois années suivantes : Rollet répondait avec minutie à chaque demande, dérangeant sans barguigner ministres et chefs de cabinet, ne se lassant pas d'aiguillonner l'administration pour accélérer une naturalisation, la délivrance d'un permis de séjour, l'obtention d'un travail, un secours aux familles. Des anciens de la Grande Guerre, du 331ème ou du R.M.L.E., d'autres même des compagnies montées, racontaient à leur ancien chef la vie monotone et les soucis qui avaient succédé à leurs grands souvenirs. Tous recevaient en retour quelques mots affectueux, la promesse d'un appui qui l'obligeait à de nouvelles démarches, une orientation nouvelle. Cet apostolat, comme tout ce qu'il avait entrepris ne se limitait pas aux bonnes paroles, mais débouchait sur le concret : la maison de retraite d'Auriol, en Provence, fut sa dernière réalisation au profit des plus déshérités de ses vieux légionnaires; achat, construction, remise en état, statuts, encadrement, il avait l'œil à tout.
Et comme si les jours lui paraissaient encore vides, il accepta en 1938 la présidence de l'association des Gueules Cassées, apportant à cette grande œuvre la même générosité qu'il avait jusque là réservée à la seule Légion Etrangère. Aussi les parisiens, tout surpris, purent-ils découvrir dans le hall du Bon Marché, le Général Rollet en tenue, barbe et décorations au grand pavois, vendant des billets de la loterie nationale pour le compte des deux associations chères à son cœur. La presse répercuta l'événement – le général y comptait sans doute – comme elle publia, en juillet 1939, des photographies du vieux guerrier en uniforme venu saluer à la gare de Lyon la Légion conviée à Paris pour le défilé du 14.