LES FAITS D'ARMES DE LA LÉGION ÉTRANGÈRE
LE
COMBAT DE NA-SAN
Tonkin - novembre - décembre 1952
Récit du Général Raoul Salan
Pourquoi
ai-je choisi Na-San pour me battre ? Son choix s'imposait par sa position
même au cur du pays Thaï noir où Giap a lancé
son offensive. Situé pour ainsi dire au lieu géométrique
des routes reliant Laï-Chau à Thanh-Hoa, le Nord Laos à
la rivière Noire et au fleuve Rouge, Na-San offre particulièrement
l'avantage de posséder un terrain d'aviation "dakotable"
accessible en toute saison, et dont la défense peut être
aisément organisée à partir du compartiment montagneux
qui l'entoure. Ce terrain se trouve à cent quatre-vingt-dix kilomètres
à vol d'oiseau d'Hanoï, soit quarante minutes de trajet pour
un dakota qui dispose d'une ressource de près de huit heures. La
chasse et le bombardement ont aussi de larges possibilités de soutien
: un système de guidage est très vite installé. Le
terrain sera recouvert de grilles. Sa position sur la R.P. 41, coupe l'unique
voie de communication permettant aux camions et aux charrettes de remonter
du Nord Annam sur Laï-Chau et Diên-Biên-Phù. Elle
assure la couverture du Laos dans la seule région où nous
pouvons livrer bataille dans les meilleures conditions possibles.
Na-San, c'est la base aéroterrestre type pour les opérations
en Haute-Région telles que nous pouvons les conduire. Le terrain,
long de 1.100 mètres, se situe au milieu d'une cuvette dont le
grand axe est-ouest mesure cinq kilomètres et le petit axe deux
kilomètres. Les mouvements de terrain qui couvrent permettent une
installation défensive tenant la piste d'atterrisage hors des tirs
d'infanterie et des vues de l'adversaire.
Na-San,
qui veut dire "petite rizière", et où
quelques chaumières abritent des travailleurs ne venant là
qu'à la saison de la culture du riz, prend brusquement une dimensions
exceptionnelle. Sous la direction du génie, qui dispose de deux
compagnies aux ordres du Commandant Casso, des milliers de coolies aménagent
un ensemble articulé de points d'appui qui couvre le terrain d'aviation.
Cet ensemble comprend, outre un réseau de communications enterrées,
des P.C., des dépôts et épaulement d'armes automatiques
à rondins. Cinq cents tonnes de barbelés y ont été
transportées au début et chaque jour ce sont vingt autres
tonnes qui y sont décahrgées. Le groupement du Colonel Gilles,
fort tout d'abord de huit bataillons et de quatre batteries de 105 M2,
est sans cesse entretenu. Un pont aérien amène, certains
jours de crise, jusqu'à quatre vingt dakotas qui apportent renforts,
vivres, munitions, bulldozer, mulets
L'agitation à Na-San
est extraordinaire, les mulets apportent l'eau de la cuvette jusque sur
les pitons, ainsi que les vivres et les munitions. Le Colonel Gilles trône
sur cet ensemble qu'il anime par une volonté et une activité
débordantes. Moi-même, Linarès, Allard, Gracieux ou
Dulac, y venons chacun à notre tour et repartons pour Hanoï
donner à l'état-major les instructions nécessaires
pour satisfaire les demandes du camp de Na-San
S.M. Bao-Daï me demande à se rendre sur les lieux. Je l'y
conduis le 28 novembre à 10 heure trente. De cette visite il conserve
une impression de puissance et de force. Il me dit :
- "S'ils viennent s'y frotter, ils y laisseront des plumes. Souhaitons
que Giap commette l'erreur d'y venir !
"