LES FAITS D'ARMES DE LA LÉGION ÉTRANGÈRE
LE
COMBAT DE NA-SAN
Tonkin - novembre - décembre 1952
Récit du Général Raoul Salan (suite)
L'étau
enserre la base aéroterrestre. Pendant la journée du 29,
nos patrouilles ont des contacts tout autour du périmètre
défensif. Nos points d'appui sont tâtés la nuit par
un ennemi qui cherche visiblement à découvrir nos points
faibles. L'aviation décèle de nombreux mouvements, des insdices
d'organisation d'assaut, d'épaulements d'armes lourdes. Nos bombardiers
prennent à partie sans relâche, du lever du soleil à
la tombée du jour, les ennemis qui se mettent en place au plus
près de l'objectif. L'adversaire sent que nous recomplétons
à la hâte nos installations enterrées
Il nous
voit dégager nos champs de tir, incendier les hautes herbes à
paillote qui nous masquent les vues aux abords de nos positions, dérouler
toujours plus de barbelés, poser des mines
.
Il décide de ne plus attendre et de pousser l'attaque sans retard.
Je renforce Na-San par deux bataillons de parachutistes, qui portent à
à quatre le groupement Ducourneau. Je prescris à Gilles
de les tenir soigneusement abrités car ils ne doivent être
utilisés qu'en troupe de contre-attaque. Nous sommes bien d'accord
sur le fait précis que tout point d'appui enlevé devra être
repris immédiatement. Gilles dispose ainsi d'un ensemble qui est
capable de rétablir la situation en cas de danger. L'ennemi ne
doit à aucun moment pouvoir dominer la piste d'atterrissage et
la placer sous ses feux. C'est une question de vie ou de mort pour la
garnison de Na-San. Je renforce également le système d'artillerie
par une batterie de 105 long et une de mortiers de 120 dont les obus feront
de beaux dégâts
Dans
la nuit du 30 novembre au 1er décembre, les points d'appui 22 bis
et 24 sont attaqués avec une rare violence par des unités
qui se précipitent par vagues sur nos défenses. L'adversaire
prend pied dans les points d'appui, c'est grave. Gilles réagit
très vite, lance les unités de choc à la contre-attaque
avec un soutien massif d'artillerie. Dès le début de l'après-midi
l'affaire se règle à notre avantage, le Viêt-Minh
est repoussé et chassé. Nous conservons nos positions. Mais
l'adversaire ne s'arrête pas là. Dans la nuit du 1er décembre,
à 22 heures, on vient me prévenir qu'il attaque Na-San.
Je me rends immédiatement à l'état-major où
se trouvent également Gracieux et Juille, ainsi que Dulac. Je peux
suivre le déroulement de la bataille, les oreilles collées
aux écouteurs. C'est un vacarme infernal de toutes les armes tirant
en même temps et on se croirait sur le front de Verdun lors de la
grosse attaque allemande ! Gilles conserve tout son sang-froid, et dit
:
- "Nous ne sommes pas entamés ! Ca tient partout ! C'est
un déluge de feu indescriptible !"
De 21 heures à 7 heures du matin, attaquant à quinze contre
un sur certains points d'appui où il porte particulièrement
son effort, le Viêt-Minh se déchaîne sans remporter
l'avantage. Toute la nuit, les dakotas tirent leur feu d'artifice et le
champ de bataille s'éclaire d'une lueur rougeoyante. Nos canons
placent leurs tirs contre les masses d'attaques devant nos réseaux
et sur les colonnes qui montent par les vallons pour soutenir le combat.
Nos avions de bombardement, les Privateers de la marine, venus à la rescousse, attaquent les objectifs sur cette scène éclairée. Bataille fabuleuse !