LES RÉCITS DES ANCIENS

LA GUERRE D'INDOCHINE

LE SACRIFICE (suite)

Tout se passe très bien jusqu’à la sortie du village de Bien-Hoa. Là, premier incident : route barrée par d’immenses troncs d’arbres, premières escarmouches, notre convoi enregistre trois morts et une vingtaine de blessés parmi les voitures du milieu. Nous attendons que la route soit nettoyée, puis nous reprenons notre place dans le convoi.

Deuxième attaque, cette fois c’est la fin de notre convoi qui se trouve pris sous le feu des armes de l’assaillant ; nous constatons en fin d’attaque que nous avons encore perdu deux morts et dix blessés. Malgré ces deux alertes nous continuons notre route, le chef de convoi ayant reçu des ordres dans ce sens.

A la sortie du grand pont de l’Halania la première auto mitrailleuse tombe en panne, de ce fait un signal est convenu entre voitures. Nous avons à peine parcouru dix kilomètre qu’une formidable explosion retentit, c’est notre scout-car qui vient de heurter une mine et qui saute avec tous ses occupants. La bataille fait rage, nous sommes à l’endroit précis qu’a choisi l’assaillant pour anéantir le convoi. Le premier groupe du convoi d’escorte heurte à son tour le scout-car laissant au milieu de la route des quantités de morts et de blessés. Tout se passe en un éclair, notre jeep est recouverte d’une pluie de projectiles, ma petite fille assise à côté de mon mari ruisselle de sang, notre chauffeur gravement touché à la jambe ainsi qu’à l’estomac va mourir quelques heures plus tard.

Mon mari prend le volant, il est blessé à son tour, nous faisons une formidable embardée, je suis également blessée à la cuisse. Mon mari, en compagnie de quelques tirailleurs indochinois, fait l’impossible pour résister ; magnifiques de courage, ils donnent jusqu’à leur dernière cartouche. Mon mari est touché pour la seconde fois. Avec ma robe, mon soutien-gorge, je fais des bandages et des garrots.

La voiture du Colonel de Sairigné arrive à notre hauteur, il est tué sur le coup d’une balle en pleine tête, son chauffeur tué, sa jeep se jette contre un autre véhicule ; seul son ordonnance, tout en gardant son chef jusqu’à la dernière minute, vit encore aujourd’hui. Il s’en tire avec l’amputation totale de la jambe droite.

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