LES RÉCITS DES ANCIENS

LA GUERRE D'INDOCHINE

INDOCHINE 1947
SOUVENT DANS L'EAU JUSQU'AU COU SINON PLUS

Au retour d'un coup de main dans le secteur des Sept Pagodes notre patrouille, sous le commandement du Sergent Favrier, est accrochée par le Viêt-Minh que nous arrivons à contenir mais ne nous laisse pas tranquilles en se collant à nos arrières. Ayant adopté une bonne allure, nous sommes, comme par hasard, stoppés dans notre élan par un arroyo profond et large de 10 mètres. Sans hésiter un instant, le sergent donne l'ordre de traverser, sous le tir des poursuivants, et de se mettre en batterie de l'autre côté. Aussitôt dit, aussitôt fait, nous rejoignons en quelques brasses la rive opposée où nous prenons immédiatement position. Soudain, Oh stupeur ! Nous voyons le sergent, resté en arrière, prendre dans ses bras deux caisses de chargeurs, descendre à pied dans puis sous l'eau et poursuivre son chemin en marchant jusqu'à ce qu'il émerge sur l'autre bord. Nous apprendrons plus tard que le sergent ne savait pas nager mais l'histoire ne s'arrête pas là.

Nos poursuivants ne cherchent pas à traverser aussi, nous reprenons rapidement mais plus calmement la marche. En cours de route, nous emmenons deux buffles isolés, apparemment sans propriétaire, peu avant d'atteindre un fleuve au courant très fort et à l'eau boueuse couleur de rouille. De nouveau stoppés par l'eau et voulant éviter de se mouiller uns fois de plus, nous lançons des appels à la population catholique d'un village que nous connaissons bien, sur l'autre rive, mais en vain, personne ne semble nous entendre. Sans abandonner l'espoir de traverser en pirogue, le sergent demande un volontaire pour traverser à la nage avec les deux buffles et quérir de l'aide. Il est très vite trouvé. Devinez qui ? Le gars se jette promptement dans le fleuve, large d'environ deux cent mètres, persuadé de n'en faire qu'une bouchée, en forçant le courant, droit devant lui. Les buffles quant à eux nagent tranquillement se laissant porter par le courant en dérivant vers la gauche.

Au beau milieu du fleuve, notre vaillant légionnaire vite épuisé, demande à grands cris des secours à ses camarades qui se mettent à rire, pensant à une plaisanterie. Heureusement, voyant la scène, un vieux paysan du village qui a vite compris, se précipite avec un youyou en osier et arrive juste à temps pour agripper notre nageur par les cheveux, alors que la tête est déjà en grande partie enfoncée dans l'eau, le tire et l'agrippe à son frêle esquif tout juste capable de contenir le paysan.

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