LES RÉCITS DES ANCIENS

DIVERS

LA BARAKA..., CA EXISTE. MOI JE CONNAIS

Ma troisième histoire : Broyer du noir

Près du pont de la Mariée, sur la rivière Le Moulon, fin juin 1931 à Bourges, j'avais alors 12 ans.

Lamentable, triste, catastrophique, je suis recalé au Certificat d'Études Primaires. Oui, vous lisez bien, je suis, moi, dans le peloton des battus, des vaincus… ma fierté en prend un sacré coup. Moi, le fils d'un professeur, protégé, privilégié pour beaucoup, qui devrait donner l'exemple de l'élève studieux et brillant, et bien je suis un des recalés, considéré comme un mauvais. Je me sens alors comme l'être le plus malheureux de la terre… tout au moins des enfants de ce monde.

Oui, la honte m'envahit. Le déshonneur, l'indignité m'assaillent, m'accablent. Je suis triste et veux rester seul, je veux cacher ma pein et ne plus voir personne. Je veux m'isoler, disparaître, ne plus exister. Je veux quitter cette terre en partant loin, loin au plus vite… Je veux aller où il n'y a personne pour me narguer, se moquer. Je veux être loin et ne plus entendre ces voix qui me parlent intérieurement… recalé, minable, pitoyable, bonnet d'âne, bon à rien !

Que se passe-t-il dans ma petite tête d'enfant ? Enfant qui est pourtant plein de vie, d'amour familial, heureux, gâté… Que se passe-t-il pour que je me trouve en pleine nature, près de ce pont, près de cette rivière que pourtant je déteste… Loin de ma maison, de mes parents, de ma famille que j'aime. Allez savoir ce qui se passe dans la tête d'un enfant.

Je suis là, près du bord, appuyé contre un buisson et regarde fixement cette eau noire, cette eau courante qui charrie des tas de choses de toute sorte, de toute nature. Je suis là, à contempler, à regarder cette vie étonnante, comme ces poissons, qui viennent gober les insectes imprudents qui s'aventurent trop près du niveau de la rivière. Comme ces oiseaux qui plongent pour boire après des vols acrobatiques et remontent vers le ciel à des vitesses incroyables.

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