LES RÉCITS DES ANCIENS
LA GUERRE D'ALGÉRIE
L'HOMME À LA PIPE CASSÉE
La compagnie saharienne patrouillait de nuit en embuscade le long des champs de mine et tendait des embuscades aux endroits où le réseau de barbelés ne pouvait pas être électrifié en raison des crues qui, au pied de l’Atlas marocain, sont d’une brutalité inouïe.
Le matin, les patrouilles étaient accompagnées de pisteurs R’Guibat (les Saraouis d’aujourd’hui). Ces hommes bleus de l’ouest saharien étaient de grands nomades transhumant sur trois mille kilomètres du Maroc au nord jusqu’au Sénégal au sud, à la recherche des pâturages que les pluies sporadiques rendaient verdoyants au hasard de leurs précipitations, dont les points de chute changeaient chaque année. La vie de bergers et de chasseurs avait développé d’une façon extraordinaire leur sens de l’observation et de l’interprétation des traces aussi bien sur l’erg sablonneux que sur le reg rocheux, ce qui est moins évident.
Ce jour là donc, deux pelotons à pied franchissaient une petite ligne de collines à environ un kilomètre de la frontière. Ils avaient contrôlé les bandes sablonneuses le long de l’oued.
La RST (reconnaissance sur traces) se terminait. La patrouille d’AM M8 longeait la falaise et se dirigeait vers le col qu’elle avait passé au lever du jour pour revenir du même côté que les fantassins. Cela faisait une huitaine que la demi-compagnie nomadisait. Après le déjeuner, elle allait mettre le cap sur Béchar, la douche, le repas assis à une table… Le capitaine protégé par une équipe quittait la crête à l’arrière du deuxième peloton. A peine était-il arrivé à deux cents mètres du sommet qu’une explosion se faisait entendre. La stupeur et le bruit sont considérables.
- "Merde ! Une AM, les salopards ont des mines anti-chars…"