«Ce
jour là, trois mille cœurs, trois mille cerveaux ne faisaient
qu’un cœur, une volonté !
Il fallait prendre Belloy. Nous étions désignés et
nous savions l’importance de l’opération. L’élan
fut irrésistible… Les survivants de ce combat ne l’oublieront
de leur vie !
A Belloy, nous avons vu des non-combattants se battre… presque…
oui, mon brave Père Gas, vous étiez électrisé
vous aussi.
A Belloy, nous avons Nazare. Il fut trois fois grand, admirable et sublime
: une fois pour ses hommes, une fois pour l’adversaire, une fois
pour lui.
A Belloy, nous avons vu Mader, l’as de la Légion ! Combien
mesurais-tu de mètres ce jour là ? Vieux ! Je ne t’ai
jamais vu si grand. Il avait encore ses deux bras à Belloy. Ils
lui en ont pris un, plus tard à Ambleny, en juin 1918, pour se
venger peut-être ?
A Belloy, nous avons vu le Caporal Gutmann, revenir en ligne après
s’être tant bien que mal pansé le mollet atteint par
une balle, hurler à la face de son sergent : "On ne recule
pas, nom de Dieu… sur un simple ordre d’oblique à gauche
!..."
A Belloy, nous avons vu Imhof, mourrant, demander : "Alors sergent
?... On a pris Belloy ?..." "Oui, mon petit… ne t’énerve
pas… les brancardiers viennent…" "Belloy…
est… pris… Adieu…"
A Belloy est resté Alan Seeger.
A Belloy nous avons vu nos morts… beaucoup… tous leurs visages
étaient empreint de sérénité !
Et vous tous les survivants, vous n’avez ni Légion d’Honneur,
ni Médaille Militaire, mais vous avez fait l’admiration du
monde, y compris celle des Allemands, ils me l’ont dit.
"Vous êtes la Légion… et ça suffit !"»