L'HISTOIRE DE LA LÉGION ÉTRANGÈRE

1914-1918

TÉMOIGNAGE : LAZARE SILBERMANN

Lettre de Lazare Silbermann, réfugié roumain d’origine juive, engagé volontaire en 1914 parce qu’il veut s’acquitter d’une dette qu’il considère comme essentielle vis-à-vis de son pays d’accueil. Cet homme rentrera de la guerre mais mourra dans les années 20 terriblement affaibli par les privations et les souffrances endurées pendant 4 ans. Son épouse Sally sera déportée et exterminée vingt-deux ans plus tard malgré le passé de son époux…
Cette lettre qui devait être ouverte en cas de décès de Lazare Silbermann ne le fut pas avant son retour. Elle démontre bien la volonté de ces «français d’adoption» de défendre ce pays qui les avaient accueillis et qui leur avaient permis de reconstruire des vies.

«Paris, le 7 août 1914

Ma chère Sally,
Avant de partir faire mon devoir envers notre pays d’adoption, la France que nous n’avions jamais eu à nous plaindre, il est de mon devoir de te faire quelques recommandations car je ne sais pas si je reviendrai.
[…]
Je te laisse un gros fardeau d’élever quatre petits orphelins que pourtant j’aurais voulu voir heureux car tu la sais que je n’ai jamais rien fait pour moi. J’ai toujours pensé te rendre heureuse ainsi que nos chers petits. J’ai tout fait pour cela et, pour finir, je n’ai pas réussi ce que j’ai voulu.
Je te remercie pour les quelques années de bonheur que tu m’as données depuis notre mariage hélàs trop court, et je te prie d’avoir du courage, beaucoup de courage pour élever nos petits chérubins en leur inspirant l’honnêteté et la loyauté, en leur donnant l’exemple par toi-même, et je suis sûr qu’il ne te manquera pas de courage. Parle-leur toujours des sacrifices au-dessus de ma situation que j’ai fait pour eux et qu’ils suivent mon exemple. Quant à toi, je crois qu’il te restera des bons souvenirs de moi. Nous nous avons aimés jusqu’à la fin et c’est ce souvenir et celui de ma conduite envers toi et envers tout le monde qui te donneront du courage de supporter le gros fardeau que je te laisse. Une dernière fois, je t’engage à bien sauvegarder l’honneur de nos chers enfants en leur donnant de bons exemples et je suis sûr que cela répondra comme un écho quand le moment arrivera. Je t’embrasse une dernière fois.
»

"Paroles de Poilus" - Lettres et carnets du front 1914 – 1918 - Éditions Librio Radio-France