L'HISTOIRE DE LA LÉGION ÉTRANGÈRE
1914-1918
TÉMOIGNAGE : LAZARE SILBERMANN
«Paris, le 7 août 1914
Ma
chère Sally,
Avant de partir faire mon devoir envers notre pays d’adoption, la France
que nous n’avions jamais eu à nous plaindre, il est de mon devoir
de te faire quelques recommandations car je ne sais pas si je reviendrai.
[…]
Je te laisse un gros fardeau d’élever quatre petits orphelins
que pourtant j’aurais voulu voir heureux car tu la sais que je n’ai
jamais rien fait pour moi. J’ai toujours pensé te rendre heureuse
ainsi que nos chers petits. J’ai tout fait pour cela et, pour finir,
je n’ai pas réussi ce que j’ai voulu.
Je te remercie pour les quelques années de bonheur que tu m’as
données depuis notre mariage hélàs trop court, et je
te prie d’avoir du courage, beaucoup de courage pour élever nos
petits chérubins en leur inspirant l’honnêteté et
la loyauté, en leur donnant l’exemple par toi-même, et
je suis sûr qu’il ne te manquera pas de courage. Parle-leur toujours
des sacrifices au-dessus de ma situation que j’ai fait pour eux et qu’ils
suivent mon exemple. Quant à toi, je crois qu’il te restera des
bons souvenirs de moi. Nous nous avons aimés jusqu’à la
fin et c’est ce souvenir et celui de ma conduite envers toi et envers
tout le monde qui te donneront du courage de supporter le gros fardeau que
je te laisse. Une dernière fois, je t’engage à bien sauvegarder
l’honneur de nos chers enfants en leur donnant de bons exemples et je
suis sûr que cela répondra comme un écho quand le moment
arrivera. Je t’embrasse une dernière fois.»
"Paroles
de Poilus" - Lettres et carnets du front 1914 – 1918 - Éditions
Librio Radio-France