NOS ILLUSTRES ANCIENS
LÉGIONNAIRE BLAISE
CENDRARS
POÈTE ET SOLDAT
2 - Extrait de "La main coupée"
«La Légion.
Il en était question depuis notre départ de Paris et c’est
le Général de Castelnau qui en prononça officiellement
le nom pour la première fois, juché sur comme un oracle de
mauvais augure sur son tas de cailloux. Quand la chose devint effective,
huit mois plus tard, quand le 3ème de marche de la garnison de Paris
(le 3ème "déménageur" l’appelions-nous,
parce que nous avions servi de bouche–trou dans les plus sales coins
du front du Nord) fut dissous pour être versé au 1er Étranger,
la démoralisation fut générale, surtout parmi les volontaires
venus des trois Amériques, tellement le renom de la Légion
était sinistre outre-Atlantique(1),
et je connais plus d’un américain qui s’était
vaillamment comporté jusque-là, qui avait secrètement
envie de déserter. C’est d’ailleurs à cette époque
que les premières désertions à l’intérieur
(qui furent toutes exceptionnelles) se produisirent chez nous. Mais les
premiers à avoir donné le mauvais exemple furent nos officiers
et nos sous-offs car il y a différents degrés dans la désertion
et j’estime qu’un chef qui lâche sa troupe à l’heure
du danger pour se faire verser dans une unité moins exposée,
quoique agissant régulièrement et à l’abri du
règlement, déserte en fait…
[…]
Au début, les sous-offs qui nous encadraient, venaient tous du bataillon
des sapeurs-pompiers de Paris. C’étaient des rengagés.
En se faisant verser chez nous comme instructeurs, ils avaient tous été
nommés sergents et en entrant dans la zone de feu ou après
un court séjour au front, ils eurent pour la plupart de l’avancement.
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* Notons que le point de vue des Américains vis à vis de la
Légion Étrangère changea radicalement au lendemain
de la Grande Guerre. Le sacrifice de bon nombre d’entre eux au sein
de la Légion leur appris la valeur de cette troupe d’exception.
De plus, les états-majors américains avaient été
très impressionnés par les qualités de disciplines
et de combativité de la Légion. La conséquence de ce
changement de mentalité fut la tournée triomphale que le Général
Rollet effectua en 1918 aux Etats-Unis.