LES RÉCITS DES ANCIENS

LA GUERRE D'INDOCHINE

UNE SALE ODEUR DE PARFUM

Quartier Viénot, un jour d'avril 1947 20 h. Des camions embarquent les sections à l'instruction pour une grande marche de nuit.

Ils nous larguent à vingt ou trente kilomètres de Sidi-Bel-Abbès. Au départ de la marche, l'ambiance débonnaire et joyeuse, est vite remplacée par un lourd silence au fur et à mesure des kilomètres. A chaque arrêt de dix minutes, des gars enlèvent leurs godillots pour soulager des pieds endoloris, certains sont en sang, d'autres n'arrivent pas à se rechausser. La peur de ne plus pouvoir repartir en fait frissonner plus d'un.

A l'issue de l'une de ces pauses, l'un de mes compagnons de route me demande soudain : "Tu ne sens rien ?" ; "Mais si, que je lui réponds, une mauvaise odeur de parfum !". Devant nous marche Romantin, réputé pour se frictionner, souvent, d'eau de cologne. Aussi, sans réfléchir, je me mets à dire : "Tiens la cocote s'est parfumée". Malgré les douleurs endurées tous les gars autour, se mettent à rire. Moi… je reçois un magistral coup de pied dans le derrière et m'entends dire par notre adjudant : "Devos, tu me feras quatre jours de taule !". Je cherche aussitôt à lui faire comprendre qu'il s'agit d'une blague mais notre homme ne veut rien savoir. Par la suite, au quartier, j'apprendrai que notre adjudant se parfume abondamment.

Le retour est bercé par l'idée de pouvoir "ronfler" un peu mais ce n'est qu'un rêve vite dissipé à l'arrivée par le traditionnel nettoyage d'armes. Quant à moi, une heure après, c'est la cabane, pour quatre jours. J'y fais connaissance avec de drôles de gars et surtout des fortes têtes. Aussi, à la sortie je me jure de ne plus y revenir.

Un qui se marra bien dans la chambrée, c'est notre Romantin !

Légionnaire Louis Devaux
Ancien de la 4ème Compagnie du 1er Bataillon du 3ème REI