LES RÉCITS DES ANCIENS

LA GUERRE D'INDOCHINE

MAI 1947, PREMIÈRES EXPÉRIENCES INDOCHINOISES (suite et fin)

Après un bon repas, arrosé d'un bon pinard auquel certains gars font un hommage appuyé, nous nous retrouvons au marché Catinat, installés à la table d'un bistrot pour siffler une bonne bière. A côté de nous, des marins rigolent autant qu'ils le peuvent, et l'un d'eux nous apostrophe : “Eh ! Les légionnaires, voulez-vous monter avec une nana ? Ne cherchez pas plus loin, prenez la petite”. Cette apostrophe nous fait réaliser l'état dans lequel nous sommes : de jeunes hommes solidement bâtis, longuement privés et subitement environnés de belles femmes peu farouches. Elle est mignonne : pour ma part je ne suis pas long à me décider mais pas le premier non plus. Attendant mon tour, un infirme vietnamien vient proposer de nous faire les lignes de la main. Je suis le seul à accepter, par curiosité. Ce qu'il me dit va se révéler en partie vrai : “Vous rentrerez en France un peu malade mais avec du pognon”.

Peu de temps après, c'est à moi de rejoindre la belle pour enfin connaître ces quelques instants de bonheur annoncé, à mille lieux d'imaginer jouer “La grande illusion”. Jugez-en vous-même : au moment de me trouver transporté au Nirvana, dans un état second, notre jolie congaïe se met à se coiffer et à chanter la célèbre chanson “J'attendrai le jour et la nuit…”. En moi-même : “Minute de silence !”... Je crois que quelques gars n'ont pas dû aller jusqu'au bout.

Le lendemain nous sommes répartis dans différentes unités. Partant pour le 3ème R.E.I., au Tonkin, avec Moreau, je perds ainsi René et Jacques, mon pote de Calais.

Haïphong. Après trois jours de mer, le débarquement a lieu vers 21 h. Au menu du souper… “caisses de grenades”. Consternation ! Les gars se sont complètement trompés, prenant les caisses de munitions au lieu des caisses de vivres. Nous ne pouvons que rester sur notre faim. C'est ainsi que quelques jours plus tard, je me retrouve avec plusieurs gars à la 4ème Compagnie du Lieutenant Antoine Mattéi et, Moreau, à la 2ème Compagnie avec la Capitaine Cardinal.

Ce qu'il s'est passé ensuite ? C'est une autre histoire.

Légionnaire Louis Devaux
Ancien de la 4ème compagnie du 1er Bataillon du 3ème R.E.I.