LES RÉCITS DES ANCIENS

LA GUERRE D'INDOCHINE

CORRESPONDANCE DU LIEUTENANT TOURRET

LETTRES D'INDOCHINE
au Peloton de Vedettes Fluviales du 4ème Escadron du 1er R.E.C. (13ème Partie)

La guerre est finie en Indochine.

Le 27 Août 1954.

Je viens de terminer hier soir une période de 20 jours fort prise, avec la Commission mixte d'Armistice pour le Secteur.

Connaissant bien le coin et disposant des engins voulus, j'ai fait en effet partie de la Commission d'Armistice de la nouvelle ligne de démarcation du 17ème Parallèle sur le Cua Tung (ma deuxième rivière), et de celle qui règle le transit des Viêt-minh remontant vers le Nord à travers le Trieu-Phong et le Gio-Linh, les deux cantons encadrant "mon" Cua-Viêt. C'est vraiment horrible... Si les officiers viêt sont à peu près sympa, ou au moins vivables (on peut toujours s'entendre entre militaires), il y a tout un paquet de commissaires politiques absolument infumables, arrogants, faiseurs d'histoires et le reste. Je me suis bien gardé de signaler que je parlais viêtnamien et les autres semblent ne pas le savoir ; si je ne comprends pas tout, loin de là, j'ai glané quand même quelques tuyaux quand les Viêts se parlaient loin des officiers vietnamiens, me considérant comme quantité négligeable. Les vedettes les intéressaient beaucoup et ils posaient des tas de questions, grenouillant aux postes de combat, regardant tout. J'aurais bien voulu savoir si certains ne s'étaient pas frottés à mon PVB car ils avaient l'air de bien connaître la région ; mes questions détachées autour du sujet n'ont eu aucun succès, ce qui m'a fait râler, mais je suis trop fier et trop au fait des moeurs vietnamiennes pour en parler brutalement le premier.

J'ai eu ainsi le désagréable devoir de passer aux Viêts les pouvoirs sur la zone nord de la rivière Song Ben-Hai et ai été le dernier Français à franchir la frontière, avec un salut assez sec avec le Viêt au milieu du pont de "Coupure L" sur la RC 1. Hélas, pas de photographe !

Il fait un temps effroyablement lourd et chaud ! Nous nous traînons misérablement, en sueur, sans grand goût au travail ; les bains de mer sont agréables, mais vivement les pluies !