LES RÉCITS DES ANCIENS

LA GUERRE D'INDOCHINE

CORRESPONDANCE DU LIEUTENANT TOURRET

LETTRES D'INDOCHINE
au Peloton de Jeeps Blindées du 9ème Escadron du 1er R.E.C. (3ème Partie)

A SP 5405O [Vientiane], en la fête de l'Assomption 1953.

Le secteur à contrôler est gigantesque. Il y a tout d'abord la R.C. 13, à peu près en bon état, sur cent vingt kilomètres vers le nord jusqu'à Ban Hin Heup, au tiers de la distance entre Vientiane et Luang-Prabang. Après, terminus ! Il n'y a plus de ponts ni de route... C'est dans l'ensemble une zone pittoresque assez plate de rizières avec de nombreux villages et pratiquement pas de ponts importants. Ensuite, on trouve la R.C.13 vers l'est sur deux cent cinquante kilomètres, traversant souvent un paysage de forêts touffues avec des clairières habitées et menant à Paksane et un plus loin, jusqu'au confluent de la Nam Ca Dinh ; on y trouve plusieurs grosses rivières qu'il faut traverser en bac, en doublant sans vergogne l'interminable file de camions civils bringuebalants et surchargés. On a enfin quelques routes secondaires en très mauvais état qui s'essoufflent à remonter vers le nord-est, et d'innombrables pistes impraticables après quelques kilomètres (centaines de mètres le plus souvent), et où on laisse souvent les pots d'échappement empalés sur une souche... La raison en est simple : les Laotiens, se déplaçant en charrette tractée par une paire de boeufs ou de buffles (jamais un seul), créent une piste en coupant les arbres qui gênent au centre à vingt centimètres du sol. Les jeeps étant obligées de suivre les ornières, les souches camouflées dans l'herbe haute qui épargnent les essieux ou les lames-maîtresses des ressorts ne ratent pas les pots d'échappement ; le PJB fait souvent ainsi le bruit d'une escadrille de chasse décollant à pleine puissance. Comme il n'y a pas de Viêts, c'est sans importance. D'accord, mais alors... A quoi sert-on ?
L'escorte des convois militaires représente la moitié des missions et consiste à encadrer avec deux, quatre ou six jeeps un ensemble de dix à trente camions ; la garde statique du terrain d'aviation de Vientiane prend, elle, une patrouille de deux jeeps (avec armement complet) quand il n'y a pas de mission requérant la totalité du peloton. Pour le reste, liberté totale, c'est à dire l'entretien du matériel, l'instruction du personnel, la maraude en chasse libre, et les reconnaissances d'itinéraire.

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Le Peloton de Jeeps Blindées du 9ème Escadron du 1er R.E.C.
Le Peloton de Jeeps Blindées du 9ème Escadron du 1er R.E.C.