LES RÉCITS DES ANCIENS

DIVERS

"DE MINIMIS NON CURAT DECURIONUS"
LE SERGENT N'A QUE FAIRE DES DÉTAILS

Appliquée plutôt au "pretor" (le préteur, commandant d'une légion romaine) et très librement traduite cette maxime latine me fait souvenir d'une interview de Maurice Goudeket, troisième et ultime mari de Colette, lors de la parution d'un livre de souvenirs "Près de Colette".

Le journaliste lui avait demandé pourquoi il s'était engagé en 1914 dans l'armée française bien qu'étranger. Notre auteur répondit ceci :

"J'ai tout de suite été fier de me trouver versé dans ce corps d'élite qu'est la Légion Etrangère et qui, encore que composée d'étrangers, appartient tellement à la meilleure tradition militaire française. Elevé en France je n'ignorais rien des contraintes qui me seraient imposées et je n'en souffris point."

Il n'en était pas de même pour certains étrangers qui, par idéalisme, quittèrent tout pour venir offrir au pays de la liberté et de l'humanisme leur vie. Quand donc les rudes sergents de la Légion nous traitaient "d'engagés pour la gamelle" en ajoutant "vous n'aviez donc rien à bouffer chez vous ?" Je m'en amusais ; d'autres s'en indignaient profondément.

Je me souviens d'un engagé qui possédait en Pologne l'étendue équivalente à un ou deux départements français. Il était d'un certain âge, titré, mais au parler hésitant. Au sergent qui, pour l'établissement des livrets militaires, lui demandait sa profession, il répondit "aucune, je suis propriétaire terrien".
Sa réponse mit le sergent hors de lui et il abreuva notre homme d'invectives sans pouvoir en tirer d'autre réponse. Enfin le gradé eut l'air de comprendre les explications que nous tentions de lui fournir. Il inscrivit alors à la ligne profession : "cultivateur
" !

M.F.