LES RÉCITS DES ANCIENS

LA GUERRE D'ALGÉRIE

UNE PERMISSION DE 36 HEURES DANS L'OUED NAMOUS (suite et fin)

Samedi 5 h : c’est ici que l’anecdote se corse : la relève est suivie du réveil. Le froid est saisissant. Un quart d'eau suffit pour la toilette et le rasage, été comme hiver. Chaud depuis un bon moment, le café, de la confiture et un quignon de pain sont prestement distribués et avalés. Le soleil surgit au-dessus des dunes réchauffant déjà les corps transis. Ses rayons caressent la carcasse de l'avion qui se met à briller, régulièrement astiquée et polie par les vents de sable.

Le décor est planté, un spectacle typiquement saharien peut commencer devant le peloton de légionnaires médusés et silencieux.
Un piquet de six méharistes en armes prend place à l'une des ouvertures du fuselage de la carcasse. Il est suivi, quelques pas derrière, par l'adjudant chef en tenue de sortie saharienne et son adjoint. Le piquet présente les armes puis le sous officier adjoint souhaite une bonne permission à son chef qui lui recommande la vigilance et termine en disant "Bonne fin de semaine, à lundi comme convenu" puis se glisse dans la carlingue après s'être mis au garde à vous et avoir salué. L'adjoint et le piquet font un demi tour réglementaire et rejoignent au pas leur bivouac. (Essayez donc d'en faire autant, dans le sable avec des naïls, sorte de pieds-nus à larges semelles plates à peine fixées au pied).
Dans la journée l'adjoint expliquera au lieutenant que c'est une tradition chaque fois que le peloton vient à ce puit : “Le chef s'accorde une permission de 36 h avec l'accord du capitaine. Que voulez-vous les distractions sont rares par ici alors, il a trouvé cette solution pour se changer les idées : il va rester là jusqu'à lundi matin se nourrissant des quelques dattes et d'une galette qui sont dans sa musette et d'une gourde d'eau en peau de chèvre. Pendant ce temps les dromadaires se refont une santé dans les maigres pâturages que l'on trouve au fond de l'oued (Qui est complètement à sec depuis belle lurette!)

Lundi 6 h : Même manège ; le chef du peloton méhariste sort de la carcasse, le piquet lui rend les honneurs, son adjoint lui souhaite une bonne arrivée puis s'enquiert de cette permission "Très bonne lui répond son chef, départ dans une heure"
A 7 h, une fois reçu un dernier salut d'adieu, les légionnaires voient passer devant eux la colonne de dromadaires en route pour une longue traversée dans cette immensité désertique où l'on trouve parfois un avion pour passer une permission de courte durée.

Lieutenant-colonel (h) Benoît GUIFFRAY
ancien chef du 1er peloton de la 4ème C.S.P.L.E.

Un peloton de la 4ème C.S.P.L.E.
Bivouac d'un peloton de la 4ème C.S.P.L.E.
Un peloton de la 4ème C.S.P.L.E.