LES RÉCITS DES ANCIENS

1914 - 1918

1915 - EN RADE DE MOUDROS
Veillée d'armes avant l'appareillage pour Salonique

Sur le pont du navire, la troupe ne forme plus qu'une masse unique, compacte, taciturne, sous les étoiles ; une masse sombre au milieu d'une clarté d'eau aussi légère qu'une lumière lunaire.
Nous habitons un vaisseau fantôme. Et l'on songe à peine à l'énorme puissance de ce régiment (1) composé d'hommes décidés à tout, vétérans tous de la guerre, et qui demeurent inertes et invisibles.
Tout à l'heure, et pendant deux heures, le bateau fut pourtant vibrant d'une véritable fête. Les zouaves à poupe, les légionnaires à proue, déjà tous étendus, couvraient le navire, serrés dans l'ombre qu'ils remplissaient. Les zouaves ont commencé par organiser le plus curieux des concerts en mer…

… De l'autre côté du pont, les légionnaires déroulaient leur concert à eux. Un italien, avec cette improvisation parfois miraculeuse de contre-chant et d'harmonie que connaissent les montagnards et les paysans de Toscane, chantait des mélodies tristes.
Puis quelques uns, de toutes races, ont élevé au ciel de la mer Egée les notes de ces "chansons des légionnaires" qui sont la tradition et l'orgueil de la Légion maintenant, hélas ! décimée sur les champs de bataille de tous nos fronts.
Le grand refrain est monté comme une prière et une menace encore une fois, au-dessus de ces cœurs durcis.

Soldats de la Légion
D'la Légion Etrangère
N'ayant pas de nation,
La France est notre mère
Car nous avons là-bas
Conquis dans les combats
Avec succès
Le baptême français.

Suite

Le Saghalien
Le Saghalien
Le camp allié dans la baie de Moudros en 1915
Le camp allié de la baie de Moudros