LES FAITS D'ARMES DE LA LÉGION ÉTRANGÈRE
COMMEMORATION DU 50ème ANNIVERSAIRE DES COMBATS DE LA R.C. 4
III / LES TÉMOIGNAGES DES ANCIENS COMBATTANTS
Robert BARBAUD, Sergent au 5ème Goum du 11ème Tabor
«
J'étais sous-officier radio au 5ème Goum du 11ème
Tabor dans la bataille de Dong-Khé en octobre 1950. Après
avoir franchi le col de Lung-Phaï, nous distinguons notre objectif,
le Na-Kéo, piton dont l'intérêt stratégique
était très important car il commandait le poste de Dong-Khé
et la R.C. 4 et jamais nous n'aurions pensé qu'ils nous laisseraient
prendre ce piton aussi facilement.
Le silence était angoissant, rien pas un viêt, quelques
rafales tirées de loin, rien d'autre. Immédiatement,
les champs de tirs sont dégagés, les sections installées,
j'envoie mon premier coup de radio au PC LEPAGE qui, lui, était
resté en bas du Na-Kéo, à Na-Pa : «Objectif
atteint pas un viêt tout est OK». Fatigué
après deux nuits blanches et beaucoup de kilomètres
parcourus, hormis les sentinelles, tout le monde dort.
La nuit du 1 au 2 octobre se passe bien, pas de viêts.
Dans la journée du 2, nous remarquons côté nord-est
de notre position de longues colonnes de viêts, coup de radio,
le PC semble contrarié.
Ces colonnes représentaient les régiments viêts
avec lesquels nous aurons à en découdre.
Le soir, vers 19 heures, le pilonnage commence, mortiers de 81 et
obus de 75 tombent sur le Na-Kéo alors que nous étions
en train de manger notre boite de rations avec l'adjudant Colonna
de la section lourde, l'adjudant Fortin et le Sergent-Chef Leyssac.
Ce fut l'enfer. Le 5ème Goum était commandé par
les lieutenants Rebours et Casanove son adjoint, tués tous
les deux le 3 au matin. Le Lieutenant Rebours était un officier
de grande qualité, vétéran des campagnes d'Italie,
de France et d'Allemagne. Toute la nuit, ce fut un déluge de
mortiers et d'obus de 75 entrecoupés d'assauts des viêts,
en ligne, ils attaquaient cinq, six fois, chaque fois repoussés
avec des pertes énormes. Les goumiers, extraordinaires, se
battaient comme des lions hurlants. Sur le matin, il fallut chasser
les derniers viêts sur l'herbe du piton. Les munitions manquant,
les goumiers allaient chercher les grenades et les munitions sur les
viêts morts dans la pente, puis ils en arrivèrent au
coupe-coupe et au poignard ; ce fut un rude corps à corps.
A six heures du matin, le Lieutenant Rebours vient me voir près
de mon poste de radio et me dit : « je crois que ce
matin les viêts ne décrocheront pas ». En
effet, ils avaient l'habitude de lâcher prise dès l'aube
par peur de l'aviation. Quelques minutes plus tard cet officier était
mort, tué avec ses goumiers, immédiatement remplacé
par le Lieutenant de Casanove, rassemblant les goumiers, sonnés
après cette nuit d'enfer.