LETTRES D'INDOCHINE
au Peloton de Jeeps Blindées du 1er R.E.C. (1ère Partie)

Arrivé maintenant en Indochine et après quelques jours passés en Centre Annam, je suis maintenant affecté dans un escadron de Marche qui part au Laos. Pas vraiment heureux, mais l'expérience risque d'être intéressante.

S.P. 4856 [quelque part au Laos], le 10 Mai 1953.
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Comme vous le disait ma dernière lettre, je suis maintenant chef de peloton de jeeps blindées.
Samedi dernier, je suis parti de Hué en avion pour Saigon, avec escales rapides à Tourane et Nha-Trang. A Saïgon m'attendait mon commandant d'escadron, le capitaine Arthuis, et nous avons dîné ensemble.
Dimanche, j'ai pris mon peloton : 12 jeeps et deux Dodge 4x4 avec un très gros armement : 1 mitrailleuse et 1 FM par jeep. Mise en place du matériel... Mon sous-officier adjoint avait tout perçu depuis 4 jours et je vous laisse à penser le travail pour former un escadron le 30 Avril [fête de la Légion], le 1er Mai, et les 2 et 3 Mai qui tombaient un samedi et un dimanche...
Le 4, démarrage de la colonne avec pour premier objectif Kratié sur le Mékong = 250 kilomètres en gros. Durant 6 jours, du 4 au 9, je suis resté avec l'échelon de queue (dépannage). Pas une fois nous ne sommes arrivés à l'étape avant une heure du matin (quelquefois trois heures, avec départ à sept heures) ; fourbus !...

En gros : 24 heures à Kratié puis départ pour Khône ; ensuite Paksé et Savannakhet où nous sommes arrivés à 04h30, record battu... A 05h, télégramme m'ordonnant de partir de suite à Thakhek pour au choix forcer le passage par la route (en fait, il n'y plus de route ni même de piste en saison des pluies, d'où le terme "forcer le passage", qui n'a rien à voir avec l'ennemi !), ou revenir sur Savannakhet pour être embarqués par avion sur Vientiane, ou enfin prendre le fleuve pour Paksane... Cinglés ! Arrivé à Thakhek à midi par une piste infecte (je pèse mes mots), le peloton s'est écroulé et a dormi sans déjeuner ni même se déshabiller !

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