LES RÉCITS DES ANCIENS

AVANT 1914

LA FAROUCHE VOLONTÉ DE SURVIE D'UN "GUEULE CASSÉE"
EX-CAPORAL DE LA LÉGION ÉTRANGÈRE (suite et fin)

Le 27 octobre 1892 vers 16 h, lors du combat de Kotopa, Szmigelski est blessé par balle, à la face, du côté droit, au dessous de la lèvre inférieure. La peau de ses joues est déchirée de part et d'autre, en plusieurs endroits, par des fragments d'os de la mâchoire et plusieurs dents sont arrachées ou brisées. Il est évacué sur Porto-Novo ; la marche est particulièrement difficile, sa mâchoire est soutenue par un bandage mais n'empêche pas les crépitations osseuses ; la langue contusionnée, lui rend la parole très difficile ; il ne peut déglutir qu'à grand peine ; la blessure s'infecte suinte puis suppure abondamment. Hospitalisé, la plaie de l'orifice d'entrée est suturée sans chloroforme ; le reste est drainé car la suppuration reste abondante. Son état nécessite un rapatriement sur la France. Il raconte : "Pendant la traversée en mer, la balle est expulsée spontanément après un séjour d'un mois dans la plaie ; fortement aplatie, elle pèse vingt grammes ; la douleur diminue mais la suppuration persiste entretenue par de nombreuse esquilles qui sortent à intervalles plus ou moins éloignés".

Hospitalisé à Bordeaux il reçoit les soins appropriés, la cicatrisation s'opère assez rapidement mais il garde d'importantes séquelles qui lui rendent la mastication douloureuse et l'expression orale difficile. Jugé atteint d'infirmités graves et incurables, il rejoint le 18 février 1893 le 2ème Régiment Étranger à Saïda en Algérie où il est décoré de la Médaille Militaire, le 5 juillet. La commission de réforme lui accorde une pension de retraite de 805 francs et il est radié des contrôles le 26 janvier 1894 ayant obtenu un certificat de bonne conduite. Commence alors pour lui une vie de "gueule cassée". Fort de ses souvenirs, d'une volonté inébranlable de s'en sortir, des encouragements de son entourage et de ses camarades avec lesquels il a gardé le contact, Szmigelski reprend les études et devient médecin à l'âge de trente ans, toujours fidèle à ses engagements et confiant dans cette nouvelle vie qui s'offre à lui.

BG d'après les recherches du Colonel Jean-Claude Halbert

Le Général Dodds
Carte du Dahomey