LES RÉCITS DES ANCIENS

1939 - 1945

LÉGIONNAIRES CONVOYEURS D'OR (suite)
(Une mission par toujours dorée sur tranche)

A l'issue de l'instruction, je fus affecté fin novembre 1939, à la 66ème compagnie stationnée à Colomb-Béchar, devenue plus tard 10ème compagnie mixte, semi-montée. Cette unité était réputée "tranquille". Chacun vaquait à son travail, qui à l'intérieur du quartier, qui dans le jardin potager de la compagnie situé dans la palmeraie où il avait également un élevage de cochons. Ceci permettait une amélioration sensible de l'ordinaire sans oublier, bien entendu, le boudin.

A mon arrivée je fus désigné pour occuper un emploi de bureau et préposé à la tenue du registre de la solde des légionnaires de la compagnie. Le Légionnaire Cadiou, ancien officier de la Royale (Belge de Bretagne), m'initia non seulement à ce travail, mais il se mit dans la tête de me faire ingurgiter la langue de Molière, dans les délais les plus brefs. Par ailleurs, il fut pour moi un guide bienveillant, toujours prêt à endosser les petites fautes que je pouvais commettre dans l'exercice de mes fonctions. Je le remercie ici de l'aide qu'il m'apporta. La 66ème compagnie était commandée par le Capitaine Fort, le Lieutenant des Fontaines était son adjoint.

Après avoir suivi le peloton n° 1 à Sidi-Bel-Abbès, je fus nommé caporal à compter du 1er juin 1941. J'avais vingt ans. Dès mon retour à la 66ème compagnie, j'ai repris mon emploi au bureau, où j'ai retrouvé mon registre de solde. Celui-ci comportait six colonnes : Noms et prénoms, matricules, montant de la solde, montant du crédit au foyer, le solde et la signature. Il faut préciser que la plupart de nos grands anciens, du moins ceux stationnés dans ces contrées du Sud-Algérien, ne percevaient jamais de numéraire, car le crédit consenti par le foyer était égal à la solde de la quinzaine. Le foyer offrait peu de choses : Vin, cigarettes, tabac, papier à cigarettes, dentifrice, cirage et le "miror", produit destiné à faire briller les boutons des vareuses. La bière n'était pas du tout appréciée par nos anciens, peut-être parce que les moyens frigorifiques étaient inexistants au foyer. La vie de compagnie se déroulait normalement, partagée entre travail quotidien et l'instruction, qui était surtout axée sur le tir.

A deux ou trois reprises seulement la monotonie fut interrompue par des tournées de police dans le Sud de Colomb-Béchar, mais surtout, par une intervention musclée dans le site des mines de houille de Kenadza à la suite d'une révolte des mineurs où les ingénieurs avaient été victimes d'exactions. Le 12 octobre 1941, au matin, j'ai du inscrire sur un registre annexe 150 noms de tirailleurs sénégalais afin de les prendre en subsistance. Le bruit courait qu'ils venaient de très loin et avaient convoyé un chargement très important composé de caisses cerclées d'un poids d'environ de 35 kilos. Le secret ne dura pas longtemps : Il s'agissait d'or.

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