LES RÉCITS DES ANCIENS

LES ANNÉES SOIXANTE

NINI

Dans une vie antérieure, au siècle passé de peu donc, nostalgique de la regrettée, poinçonneuse du métro des Lilas, je décidai de la remplacer et de faire à mon tour des trous dans les cartons. Je me mis donc à la pratique du tir sportif.

Reçu à l'examen d'arbitre national, l'armée (tout arrive) décida d'utiliser mes compétences en me nommant arbitre d'une compétition régionale à Montpellier. Jeune Lieutenant je me heurtais à des équipes de tirs régimentaires menées par de vieux Capitaines teigneux et qui tiraient droits malgré des regards torves et des démarches chaloupées. J'aurais néanmoins été assez satisfait du déroulement général si un "incident" n'était venu ternir la beauté de ce congrès interarmées destiné à tirer sur des cibles ou à défaut sur l'ordre du chef de pièce.

Il faut savoir que pour ces compétitions, les armes sont réglées avec une précision maniaque, avec des tournevis d'horloger pour oeilletons et guidons, chauffées, emmaillotées comme des châsses avant d'être déposées au râtelier, devant chaque tente d'équipe. Les tireurs sont un petit monde où chacun se connaît, s'évalue, se jauge et où la victoire tient à un rien.

L'équipe du 99ème B.C.A. était redoutable, mais composée de "bleus" (normal pour des chasseurs) un peu naïfs. Ils ne firent pas attention aux quelques bérets verts du 2ème R.E.P. qui traînaient par mégarde près de leur râtelier et même d'une poigne légère chassaient quelques insectes égarés sur les guidons : Souci d'entomologiste débutant ou amour de la netteté de l'armement, qui peut le dire ? Ce qu'ils ne virent qu'au tir, c'est que les guidons avaient subi un très léger déréglage vers le bas qui entraînait un 6 et un 8 à la place des deux 10 escomptés.

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